"La seule autorité possible est fondée sur
la compétence" écrivait Michel SERRES dans la revue "Le Point"
en septembre 2012, à propos de la publication de son petit ouvrage "Petite Poucette". Il y relate que l'autorité fondée sur la pression, la
menace, le conflit, la force, a vécu. Il s'agit là d'une autorité fondée sur le
pouvoir. La nouvelle autorité, elle, à l'inverse, fonde le pouvoir, la capacité de
réalisation. Si l'ancienne autorité est celle de sociétés animales, qui trouve
son exercice lors de curées ou de ruts (lors de consommations), dans la
nouvelle donne, nous dit Michel SERRES, "celui
qui a autorité sur moi doit augmenter mes connaissances, mon bonheur, mon
travail, ma sécurité". Nous passons de la consommation à la réalisation. Ce n'est d'ailleurs là qu'un retour et les années d'ultra consommation, une parenthèse d'idiotie.
Ainsi donc, si mon oeuvre est bonne, elle vous
"augmente" et fait donc autorité. Si elle ne vous augmente pas, mon
oeuvre ne réfère et ne garantit rien. Elle ne fait donc aucune autorité, en cette
matière du moins. Ainsi, ma belle oeuvre engage sur moi une "présomption
de compétence", laquelle est le commencement de mon autorité, celle qui
fera grandir l'autre, vers la réalisation de son oeuvre. C'est cette dernière qui lui conférera
alors, peut être à son tour, de l'autorité.
Il nous faut donc considérer l'oeuvre comme le
symptôme, le témoignage ou la preuve de ce qui l'a produite : le talent, la
compétence. C'est ce que nous faisons. De fait, ce n'est pas nous qui avons de l'autorité mais l'oeuvre
que nous avons accomplie qui nous la confère. Nous voyons bien que nous sommes
passés d'une société hiérarchique à un être ensemble pragmatique bâti autour de
l'oeuvre. C'est ce que nous montrions dans l’émergence des
"alternants culturels", gens pragmatiques, s'épargnant la pression du
temps, fonctionnant en réseau et centrés sur l'oeuvre.
Nous voyons que le savoir est issu de l'oeuvre qui le fonde. Le savoir qui
caractérise l'autorité, "celui qui peut", qui s'incarne dans celui qui le possède, s'ancre dans l'oeuvre qui
le prouve et l'installe, le rend réel, le "réalise", le fait chose,
le fait objet. L'oeuvre est la preuve du savoir, de la connaissance. Si la connaissance
n'est pas transmissible (parce que fruit de l'expérience singulière), le savoir, lui, l'est et
devient l'outil de l'autorité de celui qui le possède, et sa transmission son exercice. Avoir de l'autorité, c'est donc transmettre le savoir, ce qui fait grandir l'autre.
Il se pose ainsi la question de l'articulation de l'autorité et du management. Pourrions nous encore imaginer un management fondé sur les pratiques de pouvoir, de menaces, de jeux de force, de prédation et de consommation ? Ceci ne parait donc plus possible et l'idée d'un management efficace, efficient, sort du chapeau de cette nouvelle autorité, celle qui fait grandir et se développer. Il me souvient à ce propos cette définition du management qui a fondé le principe du management situationnel, cette "boussole" élaborée par Hersey et Blanchard :"Le management consiste à atteindre des objectifs en développant les compétences des collaborateurs". C'est d'ailleurs ce qui habite actuellement les pratiques de coachs sportifs. Ainsi, si cette approche managériale ne privilégie et n'exclut aucune pratique particulière, elle les considère à condition qu'elles soient adaptées aux circonstances et au niveau de compétence et de motivation des acteurs. Le principe est de développer ces deux variables jusqu'à l'autonomie fertile des collaborateurs.
Ainsi, sans extrapoler pour autant, nous dirions que ce nouveau management n'est pas celui des bisounours. Il ne s'agit
pas, sous prétexte d'intelligence collective, de faire de la calinothérapie
ésotérique ou autre psychopapouilles, comme l'ont repéré nombre de managers et de décideurs dans les offres de nouvelles pratiques dites révolutionnaires ou très innovantes. Nous ne venons pas de changer d'idéologie mais nous sommes
plutôt entrés dans un pragmatisme tel qu'il remet au centre de l'organisation
ce qui en fait son intelligence : l'humain, la personne. C'est tout simplement de cela qu'il s'agit et seulement de cela.
Cette démarche nécessite toujours du courage managérial, de l'empathie véritable et une attention constante à la dynamique collective, au développement des sphères d'autonomie, aux modes de prise de décision. L'humain reprend sa place au cœur des organisations. Alors, et si nous appelions nos Directeurs des Ressources Humaines, les Directeurs de
l'Intelligence Collective, ou du Développement Dynamique, ou quelque chose de cet ordre là... ?
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