L'Humain au cœur et la force du vivant : "Ce n'est ni le monde ni ce que nous y sommes ou y faisons qui nous font peur, mais l'idée que l'on s'en fait, car la vision guide nos pas. Et sur cela, nous avons la main. C'est là toute notre puissance et toute ma pensée ! " (JMS) Aller plus haut, plus loin, est le rêve de tout un chacun, comme des "Icares" de la connaissance. Seuls ou ensemble, nous visons à trouver un monde meilleur, plus dynamique et plus humain, où l'on vit bien, progresse et œuvre mieux. Il nous faut comprendre et le dire pour agir. Si vous êtes désireux d'accomplissement personnel, ce blog est pour vous. Fouillez dans ces plus de 500 articles ! Commentez ! Partagez ! Si ces contenus vous intéressent, le droit de copie, même partiel, est sous Licence Creative Commons : chacun est donc libre de les reproduire, de les citer comme il le souhaite, à l'expresse condition d'en citer chaque fois la source et de n'en faire pas commerce.

De l'intérêt pour l'autre (30 04)

Lors d'une rencontre entre amis, dans le plaisir de se retrouver, émerge quelque chose de l'ordre de l'euphorie où chacune et chacun parle, partage A ce moment, chacun pose ce qui résonne avec ce que l'autre vient de dire. On n'écoute pas, de fait, on entend. Et comme le font les montagnes, chacun renvoie quelque chose de l'écho qui résonne en lui. De fait, chacun s'intéresse ici, au "renvoi" qu'il fait et pas du tout à ce que l'autre dit : ce n'est là que la source de son propre écho intérieur.

Il est vrai que si l'on s'amuse, comme je l'ai déjà fait, à regarder ce que répondent les recherches sur la toile à la question de "l'intérêt pour l'autre", on est surpris ! Surpris, et même stupéfait de voir que les réponses  peuvent se résumer à cette formule laconique : "comment susciter l'intérêt de l'autre ?" Les propositions que j'ai trouvées sont seulement des démarches de captation, de polarisation et de séduction... "Mais ce n'était pas ma question !" ... Certes !  Même le "Moteur de recherche" sur la toile a retourné ma question, certainement en prenant en compte la majorité de ce qu'il a trouvé. C'est interpellant...

Je repense fortuitement à cette personne bienveillante, ce "curé" qui m'avais accueilli, adolescent et jeune vagabond à Tours. Il me posait des questions simples, non intrusives, juste pour que je dise mes envies, mes besoins et mes motivations. Il semblait simplement et seulement vouloir comprendre ce qui m'avait conduit jusque là... Je n'avais, à l'époque, pas très bien compris sa démarche qui m'étonnait et que je trouvais si bienveillante.

Il est vrai que, quand nous visitons un lieu en touriste, nous questionnons, nous observons, toujours à la recherche de détails et particularités, à l'affût de ces éléments qui font le fond et le cœur des choses. Ces éléments sont les symptômes du caractère profond du lieu, de son identité cachée, de son sens. Ici, le plaisir de l'émerveillement nous sert de moteur à la découverte, comme c'est bien souvent le cas chez les enfants.

Ce qui se pose aussi ici est la question de la valeur de "l'autre", et de la chose. Nous recroisons encore alors les questions, que nous avons déjà développées : celles qui tournent justement autour de l'intérêt, de l'identité, des enjeux et des représentations du monde et de soi dans le monde. C'est bien là ce qui structure et anime nos actions et nos postures.

Ainsi, lorsque nous rencontrons quelqu'un qui, a priori, est plus "intéressant" qu'un simple lieu, pourquoi notre attention n'est elle pas tournée vers cette observation du profond de l'être et des détails qui pourraient en témoigner ?

Je me souviens toujours de ce jeune curé de Tours dont le premier geste fut de m'offrir l'une de ses paires de chaussures. Touché je traduisais en "bonté" ce qui pouvait le pousser à cela sans que je ne le comprenne vraiment. Empathie et bienveillance, dirait Matthieu Ricard...

J'avais quelques années auparavant "travaillé" dans un camp des chiffonniers d'Emmaüs où la figure de l'Abbé Pierre irradiait les postures et les comportements. J'y avais vécu la bonté comme valeur fondamentale. Une journée où nous sonnions aux portes pour collecter quelques cartons, vêtements et autres objets, je rencontrais une dame avec un bébé dans les bras qui me dit qu'elle "n'avait rien". Je traduisais "qu'elle n'avait rien à donner". Habitué au manque de lucidité sur ce que les gens et nous-mêmes pouvions partager, j'insistais du haut de mes quinze ans...

Son mari me montra alors que les tentures qui servaient de meubles couvraient les cagettes de bois blanc empilées afin de combler un vide absolu... L'après midi même nous revenions avec un camion chargé de tout ce dont ils avaient besoin : meubles, lits, cuisinière, vaisselle et autres objets.

Il avait fallu que le mari me montre, là, juste sous mes yeux, la réalité crue de leur existence pour que tombent mes projections ordinaires, pour que je voie autre chose que ce que je projetais. C'est ainsi que mes yeux se désilèrent.

Il y a tant à découvrir dans l'autre, quel qu'il soit. Je me demande encore aujourd'hui, pourquoi nous ne posons pas les bonnes questions, en lâchant prise sur ce que nous pensons savoir. Est-ce pour cela que j'épousais plus tard la fonction de coach ? Voila bien une activité fondée sur l'attention à l'autre et dont l'outil est la question simple, non invasive, bienveillante et attentive.

Paradoxalement, un jour, je m'étonnais d'un jugement à l'emporte pièce jeté à la figure par une personne. Comme je demandais une précision de sa pensée, ladite personne me répondit avec assurance : "Je sais !". Cette réponse posait qu'il n'y avait rien à discuter puisque la personne savait. ("Ah, les sachants !" penserons-nous.) Effectivement il n'y avait là que le risque d'affrontements si son "savoir" était questionné. J'évitais donc la seule question qui aurait pu être : "Qu'est-ce qui vous le fait dire ?". Je me contentais donc d'un "Ah, si vous savez..." et tournais prudemment le regard...

Au delà de ce point délicat, tout comme ceux où la personne vient chercher la guerre et l'affrontement, il y a cet espace d'interrogation, de lâcher prise et d'observation sans jugement ni a priori où un "univers se donne à voir derrière les fagots". Encore faut-il avoir le désir de poser son regard.

Mais avant ça, dans la rencontre de l'autre, pourquoi ne pas ouvrir ce champ curieux, attentif et bienveillant où l'autre pourrait se donner à voir et où nous pourrions le rencontrer, voire le découvrir ? Il y a là toute une ressource simple d'émerveillements, certainement aussi fascinants que ces lieux que la nature offre à nos yeux aux quatre coins du monde. Et pour que l'autre puisse s'ouvrir comme une fleur, un simple sourire bienveillant l'accueillera, qu'il pourra lire comme une clé.

A l'instar de cette devise "Aimer les gens et le travail bien fait", je me rends compte qu'il n'y a pas de bonnes ni de mauvaises personnes a priori, seulement des gens qui ont pris une route déterminée à l'occasion d'un événement sur leur parcours, route qui deviendra une destinée à postériori et constituera leur vie. Je pense à l'avocat du Natal, Bapu Gandhi qui fonda l'Inde indépendante, ou a cet étudiant des beaux arts, peintre de cartes postales, devenu Adolph Hitler, celui qui rédigeât et appliqua son œuvre "Mine Kampf" jusqu'à son terme. Je pense aussi à Henri Grouès, résistant de l'ombre, devenu le célèbre Abbé Pierre avec ses flamboyants coups de gueule et les communautés d'Emmaüs. Chacun, de son vivant demandait attention et bienveillance.  Aussi, selon la réponse, le meilleur aurait certainement surgi.

Ce sont les gens qui font la réalité de notre histoire parce qu'ils la pensent, la rêvent, la ressentent, l'accouchent, et non l'inverse. Il ne reste qu'une seule devise : aimer les gens et l’œuvre lumineuse réalisée (que j'appelle "le travail bien fait") !

Ainsi, comme le dit Matthieu Ricard, l'altruisme n'est pas une utopie de luxe, mais la seule chose qui puisse résoudre tous les grands défis de notre temps. Voici donc une posture d'engagement qui pourrait bien changer le monde...

Jean-Marc SAURET
Le mardi 30 avril 2024

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Le Nous, le savourement et l'intuitionnisme ( 23 04)

Le sociologue et philosophe Michel Maffesoli développe dans son ouvrage "La logique de l'assentiment" (Ed. du Cerf 2023) que l'individualisme, le progressisme et le rationalisme ont fait leur temps, et que la postmodernité a déconstruit ces valeurs, et les a même "dévalorisées", sinon démonétisées. Il me semble que nous pourrions dire que nous sommes entrés dans une nouvelle ère, celle du nous, du savourement et de "l'intuitionnisme" ère que je nomme sur d'autres pages "le temps d'après", selon les termes de la psychosociologue et psychanalyste canadienne Hélène Richard.

Le "Nous" renvoie à ce concept de tribus, à la primeur du vivre ensemble dont les déclinaisons ne sont pas toutes vertueuses, mais elles sont là. Je pense à ce soucis d'appartenance, de "con-fusion" dans un groupe qui rassure et protège, jusqu'à l'obéissance aveugle, jusqu'à la soumission et la dépendance au récit unifiant.  Cependant, si l'on regarde le tripode du sociologue Marcel Bolle de Bal, il s'agit aussi de cette capacité libératrice de liance, déliance et reliance qui procure une fluidité extrême des appartenances devenues simples liances et qui s'exprime pleinement dans le zapping. Ceci nous renvoie alors au savourement.

Le savourement est cette primeur donnée à la jouissance, au plaisir, à la caresse, comme une finalité normale, primordiale, et ordinaire. Bien sûr, pourrait alors se poser la question des dangers de l'addiction et de la dépendance, mais aussi toutes cellesdes caractéristiques du zapping émotionnel, de la curiosité des saveurs qui traverse nos relations sociales. Ici, l'obligation a justement laissé la place au savourement qui dès lors prime souvent sur l'appartenance.

Quand je parle d'intuitionnisme, je pense à cette capacité, devenue fondamentale, et qui consiste à ressentir ce qui est, plus qu'à le déduire ou à le démontrer : nous sommes ici dans le domaine de “ce qui est” au delà des rationalités. Les choses sont données dans leur entièreté jusque dans les dimensions émotionnelles (lesquelles sont des marqueurs d'installation de notre réalité dans la mémoire). Bien sûr cela renvoie aux dangers de la consommation aveugle mais renvoie aussi à l'approche globale des réalités défaites des "pensées uniques", des "récits de vérité". Dans ces phases, dès lors, c'est le sujet qui constitue l'objet  : l'observant est le maître de l'observé et non l'inverse.

Nous n'allons donc pas forcément vers une ère meilleure, mais certainement vers un autrement absolu qui sera ce que nous en ferons. En effet, dans cette démarche les possibles sont plus que multiples. Je renvoie à la description que j'ai faite de l'alternance culturelle*, mouvement déjà actuel dont les acteurs donnent le tournis et des insomnies aux modernes rationalistes, "progressivistes" et individualistes. Il est aussi vrai que le concept de psychique, ou psychisme, est un terme matérialiste indiquant ce qui est tout simplement spirituel, c'est à dire de l'ordre de la pensée.

Il me semble voir, dans cette évolution, une convergence avec les sagesses tant anciennes qu'actuelles où l'individu se dissout et "renait" dans l'universel, voire l'univers et la conscience de même dimension. Certains le nomment Dieu. Mais ne pensons pas en entités. Ici, la dimension d'un amour universel dépasse toutes les conséquences de la peur, de la crainte et de la violence propres à la modernité individualiste, matérialiste et verticale.

L'approche intuitive, soit directe, du réel fait l'économie du raisonnement. C'est de fait comme si ledit réel appartenait à l'évidente conscience universelle. Ici, il n'y a plus rien à réfléchir, ni à discuter, voire à "discutailler", car le réel est donné en accès direct dans l'émerveillement, la contemplation ou la méditation, et "travaillable" par la visualisation.

Ces trois variables d'une nouvelle ère que sont le nous, le savourement et l'intuitionnisme, ne sont que des indications pour répondre aux angoisses des modernes que soulève l'apparition, l'émergence d'une telle ère. S'il fallait "expliquer", "commenter" ce qui advient, alors ces mots là seront utiles. Mais en avons nous vraiment besoin dès lors que l'on est entré dans ce nouveau mode d'être ? Dès lors, nous sommes "le nous savourant ce qui est directement donné".  A la fois un aboutissement, et peut être sans doute, un nouveau moment de départ.

*  "Post modernité et alternation culturelle"

Jean-Marc SAURET
Le mardi 23 avril 2024

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Penser et Agir (16 04)

Est-ce que je dois penser pour pouvoir agir ? Est-ce que le mental est indispensable où est-ce lui qui est l'obstacle, qui nous empêche d'être libre de jouir de l'espace, du temps et de la causalité ? Est-ce que la sensation ne suffit pas à être et agir ? Ne faudrait-il pas juste transcender la pensée conceptuelle pour atteindre et retrouver la totalité de la connaissance ? Ne faudrait-il pas laisser surgir, remonter du plus profond de nous même, du plus profond de l'être universel, la conscience de ce qui est ?...

Lors d'une de ses conférences, Eckhart TOLLE posait que bien des connaissances remontaient de l'être profond qui était, selon lui, comme un trou noir, un indicible profond où tout "s'effondre" et d'où surgit l'imprévu, l'improbable, l'inattendu. Il raconte alors qu'en écrivant son ouvrage "Le pouvoir du moment présent", à propos et à l'instar de l'être profond, la phrase suivante lui était venue : "Au centre de chaque galaxie se trouve un trou noir !" Son éditeur la lui avait fait retirer car rien ne permettait de justifier ce dire. Ce qu'il fit. Quelques années plus tard un consortium de scientifiques annonçait qu'ils avaient les éléments suffisants pour penser qu'au centre de chaque galaxie se trouvait un trou noir...

Et cela parce qu'il pensait que chaque être humain était un microcosme à l'image complète de l'univers tout entier, comme la théorie quantique le propose. Mais ce qu'il posait sans le détailler est que l'être humain pense et se pense dans son entièreté, depuis la pensée consciente jusqu'au bout de ses sensations, de ses représentations jusqu'à ses expériences sans que rien ne soit distingué ni séparé. C'est ben la totalité de l'être qui conçoit, réagit et agit depuis une profondeur indicible et inexplorable.

Cela nous impose aussi de vivre entièrement dans l'instant présent et donc, chose totalement corrélée mais rationnellement non évidente, invite au lâcher prise des plus radicaux. Nous ne sommes ni nos pensées, ni nos idées, ni nos expériences, ni nos œuvres, mais l'être profond à l'origine de tout cela. A l'expression d'une admiration de quelques unes de mes propositions, je répondais que, à l'instar de Rimbaud qui se voyait penser, produire et créer, je ne savais pas si c'était moi qui pensait ou si seulement c'étaient les pensées qui m'attrapaient. Le guitariste Eric Clapton disait une chose similaire, que la musique dont il ne savait d'où elle venait, arrivait jusque sous ses doigts qui la concrétisaient.

Rimbaud écrivait à son ami Paul Démuny le 15 mai 1871 qu'il ne savait pas d'où surgissait ce qu'il couchait sur la page, qu'il avait la pure sensation que "JE est un autre". J'ai fait plusieurs fois l'expérience d'une "chanson miracle" dont je ne sais d'où elle m'est subitement venue. Le fait est que l'état de réception dans lequel on se trouve alors est des plus relâché, défait, subtil. Certains le disent "habité". Je n'en sais rien, mais ce que je sais c'est que l'être profond dont je suis est si présent que je me sens alors totalement "d'ailleurs", comme si  je n'étais qu'une porte sur l'univers, lequel est peut être aussi au fond de moi. Le lâcher prise est alors des plus profonds...

Revenons à nos moutons et poussons plus avant. Si vous ne pouvez lâcher prise et accueillir l'instant présent, alors l'extérieur, le monde entier, deviennent une menace dans vos yeux. La peur vous occupe et vous raidit, tout comme votre corps. Elle durcit vos comportements. Vous cherchez à vous défendre de menaces mentales et la violence vous occupe. Vous cherchez protection, appartenance et moyens de combat. Vous en devenez dépendants au nom de la "vérité" et même de la liberté jusqu'à vous renier. Vous devenez les esclaves de maîtres aussi inutiles qu'opportuns. Voilà l'activité de notre mental... Certains sociologues cliniciens disent qu'il s'agit là de préserver un "avoir identitaire" investi dans les douleurs de longues études et d'intérêts matériels liés aux "corps d'appartenance". Ainsi, vous perdez votre force et votre joie pour rien. 

Alors lâchez prise, accueillez l'instant présent et devenez bons et heureux. Et lâcher prise n'est pas résignation, ni s'en moquer, mais l'implication totale dans l'instant. La qualité de la conscience de l'instant détermine ce que je vais en faire.

Ainsi, ce qui agit est certainement une non-pensée, un "impenser". Quand on se trouve dans cette "non-individualité", voire "plénitude", nous avons la sensation que rien n'est important, que tout est futile, que rien ne nous appartient ni ne nous tient, ni ne nous concerne vraiment. Nous sommes dans le grand tout et nous n'avons alors plus rien à défendre. Tous est simple, fluide, "inimportant" et tout à la fois. L'essentiel nous habite comme nous l'habitons...

En quelques mots, l'être profond que nous sommes est immense comme l'univers et nous baigne comme nous le sommes. Alors tout est simple, fluide et savoureux. Ainsi, je vous souhaite un cœur parfaitement heureux.

Jean-Marc SAURET
Le mardi 16 avril 2024

Lire aussi  " L'esprit et la matière "



https://www.youtube.com/watch?v=eXgsITofADc

https://www.youtube.com/watch?v=zxMc2t2wLf0

La paix commence à l’intérieur (11 avril)

La méditation comme moyen de surmonter la violence sociale.

(Par Reto Thumiger sur Pressenza) 

Publication d'origine :    https://www.pressenza.com/fr/2024/04/la-paix-commence-a-linterieur-la-meditation-comme-moyen-de-surmonter-la-violence-sociale/

Vous avez dit autorité ... (09 04)

Sous le terme d'autorité vient tout d'abord à notre conscience le principe de la capacité à se faire obéir. Elle comprend cette capacité à commander, à imposer ses idées, ses "points de vue" et volontés. Mais cette conception là ne dit rien sur le comment s'y prendre. Il est vrai que l'autorité peut être déléguée à des représentants, à des organismes ou institutions, comme l'autorité juridique aux institutions judiciaires, l'autorité policière aux services de l'Etat et l'administrations de police comme moyen, etc. Cependant c'est ici que se distinguent le pouvoir et l'autorité. Ce n'est pas vraiment la même chose même si culturellement ces concepts se confondent parfois. 

Culturellement les synonymes de l'autorité habituellement évoqués sont principalement les termes de commandement, de domination, de puissance, de souveraineté même et par extension le concept de tutelle... Rien qui ne puisse nous indiquer comment ça se passe, sinon dans la reconnaissance de la légitimité à commander ou de la puissance pure. Bien souvent, nous entendons la convocation de principe et moyens de coercition, mais l'expérience nous conduit à penser que sans la reconnaissance du dominant par le dominé, rien ne se passe comme prévu... Alors, dans notre contexte social, comment ça marche ?

Pour le philosophe Lucien Jaume, c’est l’affaiblissement général de la notion d’autorité qui sape les fondements de notre démocratie. Ce qui fonde l'obéissance à une autorité est la référence à quelque chose de transcendant, de totalisant, de plus grand que soi qui, en même temps, donne définition et sens à l'obéissant. Ce seront les lois de la républiques pour certain, une certaine morale ou étique pour des humanistes, une certaine vision du monde et de ses nécessités pour certains écologistes, une conception de ce que serait la loi d'un dieu universel ou absolu pour certains croyants, un certain sens de l'intérêt pour d'autres encore. Bref, l'obéissance à l'autorité relève de représentations sociales, de logiques d'intérêts, de conceptions du monde et de soi dans le monde, etc. Nous retrouvons là un lieu commun...

Dans les groupes totalitaires ou néofascistes, l'autorité du "chef" ne tient qu'à la reconnaissance des pairs via la référence à une légende, à un récit de vérité, à une idéologie de rassemblement, à une vision du monde. Dès lors que plus personne ne croit à la domination, à l'autorité du chef, il tombe et tout le monde se retrouve en bas de la page. Il en va de même dans tous groupes sociaux. Un simple raté, une suspicion de faute ou d'erreur, l'effacement d'une référence et Jupiter, tel Icare, tombe aux enfers.

La différence entre autorité et autoritarisme est que dans le second cas, les "maîtres" n'ont pas d'autorité mais en ont tous les outils sans la notoriété qui accompagne richement l'usage. On connait l'expression "faire autorité". Il s'agit alors de conditions où le quidam possède les connaissances, les caractéristiques et l'expérience suffisantes pour que les membres du collectif le reconnaissent comme référent, se reposent sur son expertise et suivent ses recommandations sur le seul fait de sa référence reconnue socialement, collectivement. Faute de quoi, le recours à la manipulation et à la peur devient une pratique facile et ordinaire.

Qu'on l'appelle sagesse, expérience ou connaissance, ce dont est doté ledit "maître" est suffisant dans les représentations sociales du collectif pour que tous et toutes écoutent et suivent ses recommandations, ses préconisations, ses invitations. Il fait donc socialement autorité parce que prétendument Mozart de son domaine. Il n'a pas besoin des outils de l'autorité car il est la référence de son domaine. C'est, il me semble, l'autorité réelle que l'on peut avoir et parfois longtemps après la fin de son exercice, il le sera encore et continuera de faire "autorité". 

Je pense à l'effet de la figure du Général de Gaulle comme référence sur la posture de l'homme d'état. Je pense à Lafontaine et Esope en terme de poésie morale, à Freud en terme d'impact de nos inconscients sur nos comportements, à Sun Su sur l'art de la guerre. Nul besoin d'aller plus loin car la liste est très longue, voire inépuisable. 

L'usage des outils démonstratifs de l'autorité serait donc plus un symptôme de l'absence d'autorité sociale, de sa défaillance, n'est-ce pas ? Nous préférons la puissance de l'efficience à celle des applications pour ce faire. C'est là aussi que l'on reconnait la différence entre autoritarisme et autorité que l'on pourrait illustrer de la différence entre système totalitaire et démocratie réelle, là où la connaissance et la sagesse font foi.

Jean-Marc SAURET
Le mardi 9 avril 2024

Lire aussi : " La lutte permanente entre libertaires et totalitaires " 

Le mouvement LGBTQ+ manque sa cible (02 04)

Le mouvement LGBT en se définissant ainsi dans la compilation de l'indication de ses composantes est de fait une identification par exclusion. Ce qui en est est dedans. Ce qui n'en est pas est dehors. Tant et si bien que le nom à évolué en LGBTQ+, ce qui est un aveu de prise de conscience de la limite du processus. Ils auraient bien mieux fait de se nommer dès le départ "Mouvement pour la bienveillance" dont l'universalisme autorise toutes les évolutions et prises de conscience ultérieure et cible l'essentiel, l'objectif final commun : le bien vivre ensemble sans discrimination aucune. Mais apparemment ce n'était pas là l'objectif. La culture qui les a fait naitre est celle d'un communautarisme néolibéral, celui que l'on retrouve aux USA, et dans le monde anglo-saxon. Mais regardons de plus près.

Peut être que l'obsession d'être aperçu et remarqué a monopolisé leur démarche. La peur de ne pas être clairement identifiés leur a certainement fait perdre l'objectif officiel : l'acceptation sociétale de toutes les différences et singularités. Alors cette seule revendication aurait suffi. Certainement qu'il y avait autre chose de sous-jacent. Et s'il ne s'agissait que d'une revendication d'être les plus forts, de prendre le pouvoir et d'imposer une nouvelle culture dont le mouvement ne serait que la référence ? C'est ce que l'on suppose fortement à travers nombre de démarches de ce mouvement dans les écoles et les maternelles. Pourquoi sensibiliser les plus jeunes parmi nous à de telles singularités ? Cela apparaît comme un désir de changer le monde à la racine, comme s'il s'agissait d'un réveil, d'une prise de conscience... D'où le terme "woke", qui se traduit par l'éveil, ou éveillé.

Alors, le wokisme ne serait aucunement une démarche d'éveil et de prise de conscience, comme le mouvement s'en estampille, mais une simple déclinaison ordinaire du néolibéralisme d'affrontement, de concurrence et de compétition. Ainsi, chaque entité tente d'imposer sa vision du monde, son pouvoir, son point de vue, ses opinions et ses valeurs. Finalement, le mouvement LGBT n'est qu'une nouvelle déclinaison du néolibéralisme sur un champ singulier. Il s'agit en l'occurrence de considérer comment une minorité pense pouvoir prendre le pouvoir et imposer son "récit de vérité". Certainement, la réalité de leur combat se trouve là.

Me reviennent alors les propos de Serge Moscovici qu'il a si bien donnés dans son ouvrage "Psychologie des minorités actives" (Puf, 1996). Une minorité agissante subit la pression de la majorité afin qu'elle se mette en conformité avec les valeurs et le récit de la majorité. Puis la minorité active, par son action incessante et féconde, influence, voire "converti" une partie de la majorité, s'ancre dans le paysage social jusqu'à le colorer dans son entièreté.

L'exemple que prenait Moscovici est celui de la révolution russe où la majorité bolchévique (qui veut dire "majoritaires") a tenté de mettre au pas les mencheviques (qui veut dire "minoritaires"). Mais les amis de Trotski (leader menchévique) firent un tel battage actif que leur mouvement prit le pas sur le bolchévisme (la pensée majoritaire) au point que, sillonnant le pays avec son train, Trotski amena tous les "soviets" ("communes libres") à s'inféoder au pouvoir central. Le summum de ce recentrage fut l'assaut de la commune de Kronstadt, lieu du premier soulèvement révolutionnaire. Les Menchéviques positionnèrent les canons sur la mer gelée autour de l'ile et informèrent les bolchéviques qui s'y trouvaient que s'ils ne se soumettaient pas "ils seraient tirés comme des perdis!" (sic). C'est ce qui se passa. Les menchéviques, qui pensait qu'une minorité devait faire la révolution pour le compte du peuple, venaient de gagner. Mais c'était sans compter sur la montée de Staline qui leur régla leur compte : on ne marche pas contre celui qui a pris le pouvoir. Celui qui veut faire la guerre doit savoir qu'il peut en mourir....

Vouloir imposer son propre pouvoir singulier, ouvre la voie à la guerre (et il doit alors être envisagé que l'on peut la perdre, et s'y perdre). Peut être que tout mouvement marginal qui fait beaucoup de bruit, devrait s'inspirer de l'histoire et, soit revenir à une revendication plus morale et globale, soit se préparer à la guerre... quitte même à la perdre peut être aujourd'hui, sinon demain... A moins qu'ils ne se victimisent d'entrée et ainsi s'autodétruisent. Dans toutes relations de prédation, les victimes sont faites pour être dévorées. Les plus forts ne sont parfois pas ceux que l'on imagine. Peut être que dans ces contextes, les présidents va-t-en-guerre devraient-ils s'inspirer de ces exemples ? Il resterait à comprendre que la paix, la bienveillance et la concorde sont bien plus puissantes que la violence puisque constructrices. Espérons nous qu'au bout du compte, il reste alors un monde meilleur, plutôt que des ruines ?

Jean-Marc SAURET
Le mardi 2 avril 2024

Lire aussi : " Le risque du néo-féodalisme " 

Intelligence versus IA, ou plutôt CID (26 03)

Toutes les sciences humaines confondues nous rappellent que les variables indispensables et propres à l'intelligence sont précisément la conscience et l'imaginaire, ce qui fait particulièrement défaut à l'IA. Selon Luc Julia, créateur de Siri, l'IA n'a rien d'intelligence puisque, dit-il dans son ouvrage "L'intelligence artificielle n'existe pas" (First, 2019), il faut dix milles images à un ordinateur pour que celui-ci identifie un chat alors qu'un enfant de trois ans n'a besoin que de deux itérations pour le faire. 

Comme le dit Luc Julia dans un nouvel ouvrage ("On va droit dans le mur ?" First,, 2022), l'IA est un bel outil qui doit être considéré au service d'un projet de société qui reste à construire et c'est bien là et seulement là que se trouve le problème. IA et intelligences ne sont donc pas de même nature et ne peuvent être ni associées, ni confondues. Si l'intelligence artificielle n'existe pas, alors, pouvons nous préciser de quoi retourne l'intelligence humaine ?

Comme le dit Schopenhauer à propos de la réalité, elle n'est qu'un objet pour un sujet qui le regarde. Si le sujet s'en va, l'objet disparait. Il n'y a d'objet que pour un sujet qui le considère et le pense. Il s'agit d'une projection de conscience. SI, selon Bergson, l'essence précède l'existence, cette essence est dans le regard du sujet, c'est à dire dans la conscience de celui-ci regardant.

Ainsi, si l'IA est un algorithme qui compile des données projetées par les sujets ainsi faisant culture, l'intelligence est une relation de conscience du sujet avec un objet qu'il a identifié et ce en regard d'une transcendance que la psychanalyse nomme le "grand autre", les sagesses anciennes le "grand tout" ou "l'univers" et d'autres approches humaine le "divin", voire "dieu" ou "la conscience universelle".

Selon la théorie des représentations sociales (CF Serges Moscovici), le sujet projette sur le monde ses représentations et en détache des objets qu'il qualifie en fonction de ses représentations sociales et personnelles expériencielles (nous ajouterons préoccupations et intérêts). L'objet est une projection du sujet que le sujet reconnait alors. Sans cela, il ne peut pas le voir. C'est par ces processus d'ancrage et d'objectisation comme les nomme Serges Moscovici, que le sujet identifie depuis sa conscience ce qui l'entoure. Par le processus d'ancrage, le sujet reconnait et identifie (distingue) l'objet selon ce qu'il sait et connait déjà. Il le transforme alors en un objet distinct (objectisation). 

Par cette action de conscience, l'objet ressemble à ce que l'on connait déjà et s'en distingue par ce dont on prend conscience. C'est là le double phénomène de reconnaissance et de distinction qui fonde l'objet, lequel peut alors entrer dans l'ordre de notre culture. En effet, je ne peut effectuer ce processus que parce que je me situe dans le monde et situe aussi l'objet dans ce monde et par rapport à moi, c'est à dire en regard d'une transcendance qui me confère l'ordre des choses, leurs valeurs, les contextualise (je renvoie à la phénoménologie de la perception selon Husserl et Merleau-Ponty) et me contextualise, me situe dans une vision du monde, une cosmogonie.

Par ailleurs, l'intelligence reposant sur les représentations de soi, du monde et du sens de chaque élément, l'implication des sentiments, des sensations dans l'ajustement des représentations, a une incidence profonde et déterminante. Ce sont ces mêmes sensations et émotions qui structurent nos mémoires et ordonnent leurs élaborations. Autant la mémoire que la conscience des éléments de nos réalités ne sont ni figées, ni définitives. Elles sont parfaitement évolutives, mouvantes, impermanentes. Par contre, chaque élaboration de l'IA sera un construit daté, fixé dans le temps sur un moment de la conscience humaine, chargé d'un historique répertorié. Toute manipulation est donc ici possible.

L'intelligence, elle, est donc un phénomène bien plus lié à la conscience qu'à la mémoire. En ce sens, l'IA trompe nos sens comme le ferait un illusionniste quand elle prétend s'assimiler à une intelligence. Si elle séduit par la performance d'un résultat, elle n'est pas plus intelligente qu'un illusionniste n'est magicien. Il reste donc particulièrement imprudent, au risque de devenir bête et stupide, de considérer cette compilation de données, bien qu'experte, comme une conscience humaine qui ouvrirait à une quelconque intelligence. Déduction n'est pas raison.

Il serait aussi stupide de faire cela que de prendre un illusionniste pour un philosophe, c'est à dire un "montreur de réalité". Nous ne sommes dupes ni de ses tours, ni de ses manipulations. Et c'est bien ce qu'il nous reste à faire devant l'IA que désormais je préfère bien justement nommer CID : "Compilation Industrielle de Données" ! Comme le disait Krisnamurti dans son ouvrage "De la méditation et de la vie", l'habileté peut passer pour de l'intelligence. Nous sommes prévenus. Mais la compréhension des voies perfides de l'habileté, servant l'orgueil de notre égo, est le début de l'intelligence : faire la part des choses, comprendre et choisir.

Il me revient que Léon Tolstoï avait fait remarquer que si l'on ressent de la douleur, c'est que l'on est vivant. Mais que si l'on ressent la douleur des autres, c'est que l'on est humain. Ainsi, si je succombe aux charmes de l'illusion, c'est que j'ai bien des sens pour percevoir. Mais si je comprend ce qui se passe dans l'usage du charme et de l'illusion, alors je suis une âme qui comprend le monde. Il existe ainsi l'intelligence du cœur, celle qui connait les sentiments qui nous relient aux autres et à l'univers. Ils conduisent à l'intuition. Avez-vous trouvé un cœur dans la CID (IA) ? Les anciens, comme Platon, Aristote et Socrate, ont plébiscité la voie vers l'intérieur de soi au plus profond duquel se trouvent l'univers et les dieux. Gardons le cap !

Jung qui disait que celui qui regarde à l'extérieur rêve, tandis que celui qui regarde à l'intérieur s'éveille, invitait aussi à s'appuyer sur le soi profond et lumineux pour traverser nos parts d'ombre. Alors, pareillement, nous nous appuierons sur notre part d'intelligence humaine, intuitive et déductive, pour traverser l'illusion magique et utiliser ces CID à leur juste valeur, sans qu'elles ne nous réduisent à une idiotie stupide... Si les gens croient, disait Jung, c'est parce que c'est plus simple que de penser. D'autant que ce que l'on pense nous fabrique et nous constitue...

Jean-Marc SAURET
Le mardi 26 mars 2024

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Le bien, le mal, le vrai et le faux (19 03)

Ces valeurs que sont le bien, le mal, le vrai et le faux sont autant de concepts dont nous usons pour penser le réel, pour le qualifier, l'identifier, le comprendre et en parler. Ces repères sont comme des balises bien utiles pour mesurer ce qui est là. Et puis, nous classons nos aperçus dans la bibliothèque de nos connaissances. Nous les en ressortirons, le moment venu, tels que nous les y aurons "casés", peut être seulement pour les "renormer". Pourtant, même si l'on se rend compte que ces valeurs qualifiantes sont très aléatoires et totalement subjectives, - et bien que l'on s'en défende - nous en avons intrinsèquement besoin pour penser le monde et "savoir" ce qu'il est. Mais d'où nous viennent ces repères et que l'on vit comme absolus ou universels ?

Pour appréhender ces éléments, nous avons besoin de les pénétrer dans leur essence profonde. pour ce faire, il nous faut plus que l'intelligence : il nous faut l'émotion venue du cœur, celle que l'on nomme aussi l'intelligence du cœur. Or, nous ne les appréhendons qu'à partie de notre intellect. Ainsi, le "vrai" n'est pas issu d'un discours de vérité mais de la nature de la vérité. Est-elle le résultat de la preuve ou l'écho de nos âmes ? Le "faux" n'est-il que son contraire ou son reflet inversé dans le miroir, voire tout autre chose ?

Quand au bien et au mal, la question qui émerge est celle de la source même de ces valeurs. Qu'est-ce qui peut indiquer que quelque chose est bien ou mal, sinon la simple idée que l'on s'en fait ? Bien pour moi ou bien pour tous ? Ceci convoque toute ma représentation de l'humain, mais aussi ma place dans cet univers et tout ce que j'en fais, ce que j'en pense, en ressens ou en déduis. Ainsi, ces quatre points cardinaux du regard sur le monde que sont le bien, le mal, le vrai et le faux ne sont que dans nos têtes, et c'est bien nous, et seulement nous, qui les faisons vivre. Ils ne sont que l'idée que l'on s'en fait et que l'on projette sur le monde comme si c'était lui. C'est d'ailleurs bien à cela qu'ils servent...

Platon, puis Kant et Heidegger avaient remarqué cette distinction entre le sensible et l'intelligible. Ces domaines ne sont pas de même nature et ils ne convoquent pas la même pratique. C'est comme si nous demandions à nos mains et à nos pieds de faire la même chose, d'exécuter les mêmes tâches avec les mêmes performances. Nous ne demandons pas à l'intuitif qui dévoile le réel par le sensible d'opérer comme le déductif qui procède par calcul. Si nos mains démêlent aisément les nœuds, nos pieds nous transportent aisément même avec des charges supplémentaires. Il ne s'agit ni de n'avoir que des mains ou que des pieds, ni de procéder vers la connaissance que par l'intuition ou que par la déduction. Il s'agit juste de savoir ce que chaque voie est en capacité d'offrir, de fournir. Juste savoir aussi, que nous projetons ce que nous savons déjà comme des parangons sur le monde, tout comme s'ils venaient de lui-même.

Ceci me fait me souvenir de l'histoire de cette enfant qui court joyeusement dans la montagne en compagnie de son père. Elle danse, chante et crie et l'écho lui répond. Alors elle lui demande : "Qui es tu ?" et l'écho lui renvoie la question. Elle insiste : "Toi d'abord !" et l'écho lui renvoie encore la question. Elle s'écrie alors : "Tu es nul !" et l'écho lui retourne l'affirmation. Elle finit pas s'excuser et l'écho aussi. Alors elle lui crie : "Je t'aime !" ce que lui renvoie l'écho immédiatement... Demandant à son père ce que peut être cette "chose" avec laquelle elle parle, il lui répondit que certains l'appellent l'écho. Lui, en revanche, la nomme la vie parce qu'elle ne renvoie que ce qu'on lui donne...

Ainsi, vont le bien, le mal, le vrai et le faux qui sont dans nos têtes et nos cœurs. Ils viennent et nous reviennent en échos et nous les voyons, en retour, comme nous les avons lancés, les pensant extérieurs à nous mêmes, appartenant et dépendants du monde, de l'univers comme relevant de ses propres lois. Ainsi, nos références à "penser le monde" ne sont que la projection de notre propre monde intérieur, en l'occurrence cette vision profonde que nous nous faisons de l'univers et des dieux. Car c'est bien au plus profond de nous-mêmes que toutes les sagesses du monde s'accordent à penser que se trouve le réel...  Il nous reste à creuser… Sisyphe, quant à lui, poussait son rocher !

Jean-Marc SAURET
Le mardi 19 mars 2024

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Le corps, l'âme et l'esprit dans la sensation du réel (12 03)

Dans ses recherches scientifiques sur le temps, l'espace-temps et la causalité en regard de la physique quantique, le physicien Philippe Guillemant, propose cette analyse. Pour lui, l'être humain est réellement constitué d'un corps physique, d'une âme intuitive longtemps oubliée et d'un esprit rationnel fortement priorisé jusqu'alors. On pourrait ainsi dire que le corps physique est le siège des sensations, de désirs et de pulsions. Ainsi, l'âme serait-elle le siège de l'intuition et des émotions. L'esprit, quant à lui, serait ce que l'on nomme le mental, en d'autres termes, le siège de l'égo et de la rationalité.

J'avoue que j'ai quelques difficultés avec les classifications et autre écartèlement de la réalité. Tout en conservant les entités qu'il évoque, j'aurais plutôt tendance à dire - mais c'est le sociologue qui parle et pas un physicien - que ces éléments ne sont que des postures de la personne dans des cultures particulières, voire distinctes. Ceci est, du moins, en raison de représentations sociales disparates et soumises à des sollicitations sociales et culturelles diverses, comme la cupidité légitime, l'hubris, la peur et l'amour, selon des intérêts et des préoccupations à l'aune de valeurs, c'est à dire de ce qui est important pour soi.

Bien sûr que les pulsions côtoient un "égo raisonnant" bien expérimenté mais aussi bousculé par des intuitions et des affects. Mais avons nous pour autant besoin de classifier ainsi différentes part de l'humain ? Ceci me dérange. Ce serait comme si, en séparant, distinguant et classifiant des particularités antithétiques, nous serions plus à même de toucher le réel. En cette matière, la complexité n'est pas utile. Elle ne facilite pas l'intelligence des choses et parfois s'en éloigne, voire l'obscurcie.

Il est vrai que cette construction "classifiante" présente quelques avantages, notemment de donner une puissance égale aux sensations et pulsions qu'à l'intuition et aux spéculations de l'égo dans l'œuvre de sa vie. En effet, le paradigme social finissant, matérialiste et rationaliste, ne considérait que ce qui se mesure, se compte, se lit, se voit et se constate. Il s'agissait d'un monde où l'erreur est humaine, celle du sentiment et des émotions, où l'intuition n'existe que comme un hasard. C'est là un concept utile à ranger tout ce qui ne s'explique pas rationnellement. La notion d'aléatoire permet de tout faire rentrer par ce fourre tout dans les équations mathématiques.

Effectivement, nous avons changé de paradigme, ce qu'explique avec intelligence et brio le même Philippe Guillemant dans son ouvrage "Le grand virage de l'humanité" aux éditions Guy Trédaniel (mai 2021). Au delà de la question du futur déjà là et transformable, par lequel phénomène il décrit ce "grand virage" où la personne sort de son état limité de machine biologique, il réintroduit la question d'une conscience universelle de laquelle nous sommes partie prenante. Elle prend toute sa dimension actuellement. Ainsi il montre la prééminence d'un libre arbitre enfin retrouvé, une intuition active adossée à une rationalité complémentaire et nécessaire à notre mental.

Face à cette représentation du monde, nous avons tendance à tout catégoriser, découper, classer, à ratisser large le réel, histoire de se dire que nous l'avons bien compris et que tout est sous contrôle. Nous observons les sept couleurs de la lumière et de l'arc en ciel, alors que ce spectre est un continuum où notre regard fixe ce qu'il reconnait au centre de chaque bande qu'il a identifié. Ce sont les sept péchés capitaux, les cinq blessures de l'âme, les cinq sens, les cinq sentiments, les quatre accords toltèques (augmentés d'un cinquième), la trinité, les sept merveilles du monde, etc. C'est la classification périodique des éléments au niveau atomique. C'est la classification des espèces en familles, et ainsi de suite. C'est aussi la catégorisation du temps en trois : deux objets que sont le passé et le futur, objectivés parce qu'ils ne sont pas là, bien que physiquement délimités, et une troisième dimension qui ne peut être objectivée : le présent. Celui-ci, par ce qu'il est l'immédiat, se retrouve sans limite et donc de nature immatérielle à contrario des passés et futurs.

A l'observation, nous comprenons que c'est notre regard - avec ce besoin de comprendre et maitriser dans une représentation matérialiste et mathématique - qui nous fait découper des continuums selon des variables que nous avons projeté nous même. Et si quelque chose nous échappe, on le range dans le hasard et l'aléatoire. Alors, tout cela rentre ainsi dans nos équations avec formules adaptées et modulables.

Mais le réel est certainement plus simple dès lors que nous le regardons en plage plutôt qu'individualisé. Définir des pôles allant de droite à gauche, d'en haut en bas, du masculin au féminin, du lourd au léger, du fort au faible, du près au loin, du fragile au résistant, etc. est encore une catégorisation des choses mais par rapport à soi, par rapport à une position, la notre. Il s'agit davantage d'une situation que d'une classification. La formule est alors plus légère et plus simple.

Ainsi, considérons comment et avec quoi nous apprécions le réel. Avec les sensations que nous disons sur la base de ressentis, des représentations que nous projetons, des enjeux et intérêts qui nous occupent et nous préoccupent. Voilà, je viens de faire une nouvelle classification utile... Pourquoi, même si elle me semble juste, l'ai-je faite malgré tout ? Parce que c'est là la structure de mon mental : il a besoin de structure parce qu'il est de nature mathématique.

Est-il le seul pôle d'entré dans ma conscience ? Nous venons de voir qu'il y a aussi les sensations, les représentations, les préoccupations. Outre qu'il s'agit là d'un mode interactif avec le réel, il a les moyens de ne pas classifier, catégoriser, soit diviser, découper et individualiser le réel, ce qui le réduit et ferme bien des portes à la perception.

Comme nous l'avons déjà vu nombre de fois, d'autres voies s'offrent à nous hors du mental : la contemplation, la méditation, l'intuition. Ce sont là des "imprégnations" directes du réel. Je rappelle cette historiette du savant anglais rencontrant un Yogi et qui lui demande où irait une pierre lancée avec une force infinie. Le Yogi lui répondit après une courte médiation : "Dans ma main !". Il faudra encore attendre plusieurs années pour que la science occidentale considère l'espace courbe et donc donne "réalité" à cette hypothèse.

Ce que nous explique scientifiquement Philippe Guillemant, dans son ouvrage "la physique de la conscience" (juin 2015 aux édition Guy Trédaniel), est l'existence "prouvée" d'une conscience universelle à l'origine de la matière et à sa base, dans sa composition même. Et cette conscience est vibratoire. Comme le disait Nikola Tesla, si l'on veut comprendre l'univers et les choses, il nous faut penser en terme d'onde, de vibrations et de fréquences, juste ce qu'est la conscience.

Si nous poussions un peu plus loin l'observation, nous percevrions que notre identité profonde, comme notre conscience, ne nous est pas interne, mais élémentairement universelle. Dès lors des phrases comme "Ce que vous faite aux autres c'est à moi et à vous que vous le faites" prennent une réalité profonde. Nous l'avons déjà évoqué et nous y reviendrons.

S'il y a, comme le démontrent ces physiciens quantiques, une conscience universelle dont la notre propre ne serait qu'un accès. Alors voilà d'autres voies de connaissance qui s'offrent à nous, directement, sans passer par le découpage ni la classification du réel, sans la morsure du mots.

Dans ces conditions, je suivrais alors l'invitation du biologiste américain Bruce Lipton qui nous amène à considérer que nous possédons aussi des neurones dans le cœur et les intestins, constituant ainsi un deuxième et troisième cerveau, intuitif et "tripal" et par ceux-là en connexion. Alors, pourquoi ne pas s'en servir, taire de temps en temps son mental pour "intuiter" et ressentir le réel ? Nombre d'entre nous font ça spontanément et naturellement, sans "réfléchir". Apparemment ça leur va bien... Alors, pourrions nous en ouvrir les portes ?

Jean-Marc SAURET
Le mardi 12 mars 2024

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